mardi 28 janvier 2014

Bel-air, de Lionel Salaün : l’histoire d’une cité, d’une amitié, d’une trahison

[Liana Levi, 2013]

J’avais beaucoup aimé « Le retour de Jim Lamar », premier roman très remarqué du chambérien Lionel Salaün. J’avais apprécié les décors bien plantés et l’épaisseur des relations entre les personnages. Je souhaitais donc découvrir rapidement son second roman paru à la rentrée littéraire 2013, intitulé « Bel-air ».

Résumé

Alors que la Cité est détruite peu à peu, le bar du Bel-air s’apprête à fermer ses portes. Georges, le gérant, sert un dernier verre à Frank, celui qui a été son meilleur ami autrefois. Les deux hommes ne se sont plus vus depuis la fin des années 1950. Frank, avec quelques décennies de retard, demande des comptes à son ancien ami. Il l’accuse de l’avoir trahi et de l’avoir envoyé en prison. Frank remonte alors le fil de sa mémoire et reviens à la fin des années 1950, à leur bande de copains, à l’époque où le Bel-air grouillait de vie, et il cherche la vérité.

Des qualités confirmées

On retrouve dans ce roman des thèmes chers à l’auteur, et notamment cette amitié très forte qui peut unir les hommes. Cette histoire est avant tout celle d’une bande d’amis. Même si leurs routes s’éloignent peu à peu, on les sent unis. De même, j’ai retrouvé dans ce roman l’aptitude de l’auteur à planter un décor et à donner vie à une communauté d’humains. C’est un roman basé sur l’humain, sur les relations entre les personnes et sur la construction de chacun.

Une cité des années 50

En revanche, si « Jim Lamar » était un roman américain, nous sommes bien ici en France, dans une ville inconnue, au sein d’une cité à l’écart du centre-ville. Le Bel-air est au centre de cette communauté, relie les uns et les autres. A la ville, les habitants sont déconsidérés et les perspectives d’avenir des jeunes gens sont étroites, même si les parents rêvent d’une ascension sociale dans l’administration. Ce qui n’empêche pas les habitants de mépriser à leur tour les travailleurs maghrébins qui vivent aux abords de leur cité et de les rejeter violemment. Sur fonds de guerre d’Algérie, nous retrouvons ainsi un autre sujet cher à l’auteur, celui du rejet de l’autre.

Les personnages

Le roman tourne autour d’une bande de copains. Nous suivons Frank, qui rêve de liberté, ne supporte plus les quatre murs de l’école mais ne sait pas savoir quoi faire de sa vie. Son meilleur ami Georges a repris à son compte le patriotisme de son père et effraie ses amis par son amour des armes. Antoine se passionne pour la mécanique et l’adrénaline, tandis que Serge évolue dans les hautes sphères de la cuisine parisienne et enchaîne les conquêtes.

L’écriture 

J’ai pris plaisir à retrouver le style de Lionel Salaün. Il a une manière de raconter que je trouve envoûtante. Il parvient sans problème à plonger son lecteur dans une ambiance et dans une époque, et à lui donner l’impression qu’il appartient à une communauté. Je continuerai à le suivre, c’est certain.

En quelques mots…

Ainsi, c’est un roman à lire, pas tant pour la quête de Frank de celui qui l’a dénoncé, mais pour se confronter à la vie d’une communauté d’hommes dans une cité de la fin des années 1950, pour éprouver la solidité des amitiés et pour réfléchir à la chute de l’empire colonial français et à une xénophobie qui n’a malheureusement pas perdu toute sa vigueur aujourd’hui.

Note : 4/5

Stellabloggeuse

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« Des questions, tout au long des quinze années que j’avais passées à l’ombre, il m’en était venu tout un tas, que j’avais ruminé jusqu’à la nausée, les veines gonflées de haine et de colère. Mais à tant les ressasser, jour et nuit, des mois et des mois durant, à les triturer comme les pièces d’un puzzle qu’on n’arrive pas à faire coller ensemble, la plupart d’entre elles avaient fini en lambeaux. Et, depuis que j’avais recouvré la liberté, celles qui restaient avaient fondu au soleil. Sauf une, qui n’avait rien à voir avec cette serveuse dont j’avais même oublié le nom. Cette question-là, si j’avais pu, à vingt ans, briser mes barreaux pour venir ici, la poser à Gérard et régler mes comptes, la facture aurait été salée et le gars aurait dû payer cash, intérêts compris. Mais j’avais eu vingt-cinq ans, et puis trente, et puis trente-cinq. Et tant d’autres encore. »

« Dans cet étrange et merveilleux voyage qu’est l’amour, me confia-t-il, les hommes ont peur parce qu’ils ne savent pas où ils vont. Les femmes, elles, ne redoutent pas ce chemin qu’elles connaissent d’instinct. »

samedi 25 janvier 2014

Double jeu, de Jean-Philippe Blondel : être et jouer


J’en avais beaucoup entendu parler, par des collègues souvent enthousiaste, mais je n’avais jamais encore testé la plume de Jean-Philippe Blondel, qui écrit à la fois pour les adultes et les adolescents. J’ai donc tenté l’aventure avec son dernier roman pour ados, « Double Jeu ».

Résumé

Quentin est un élève de première. Originaire de la banlieue parisienne, il vient d’être transféré dans un lycée parisien huppé, sur l’initiative de son proviseur qui espérait le remettre ainsi dans le « droit chemin ». Lui, l’ancien trublion du lycée St Exupéry, coupé de ses anciens camarades, se tient tranquille, presque invisible, il ne se fait pas remarquer. Jusqu’au jour où son professeur de français le fait sortir de ses gonds, et lui propose ensuite de rejoindre la troupe de théâtre qu’elle anime. Au travers de cette pièce, Quentin va se questionner sur son identité et ses projets d’avenir.

Une quête identitaire

Globalement, j’ai apprécié ce roman qui tourne autour du questionnement d’un adolescent sur son identité. Passé brutalement d’un milieu à l’autre, Quentin ne sait plus qui il est. Il se retrouve coupé de ses anciens camarades, pas vraiment intégré aux nouveaux. Il se questionne sur ses perspectives d’avenir, un avenir qu’il a du mal à concevoir en dehors de la cité où il a grandi.

Un théâtre quotidien

Le théâtre est au centre de ce roman. Quentin fait l’apprentissage de la comédie, et se rend compte par la même occasion de l’importance du jeu dans la vie de tous les jours. L’auteur fait ainsi passer l’idée que nous sommes des acteurs au quotidien, pour offrir aux autres l’image qu’ils attendent de nous selon le milieu où l’on évolue. Quentin, lui, s’efforce de rester lui-même, et le lecteur le respecte pour cela.

Les personnages

Quentin est un personnage attachant. On se rend rapidement compte qu’il n’a rien d’un caïd. Jusqu’à maintenant, il était dans la provocation car entouré de personnalités propice à cela. Ici, nous découvrons un jeune homme plutôt calme, qui aimerait se faire oublier. Mais sous la surface couve un feu, une colère et des désirs enfouis qui ne demandent qu’à sortir.

L’écriture

J’ai beaucoup apprécié ma rencontre avec le style de Jean-Philippe Blondel. L’écriture est belle, le vocabulaire soigneusement choisi, les réflexions bien développées. Je lirai de nouveaux titres de cet auteur avec plaisir.

En quelques mots…

Ainsi, c’est un roman adolescent sympathique, sur la quête d’identité et d’avenir d’un jeune homme qui était plutôt mal parti dans la vie. Le tout sur fonds de théâtre, et servi par une écriture plaisante. En revanche, c’est un roman un peu rapide, qui ne suscite pas d’émotion particulière.

Note : 3,5/5

Stellabloggeuse

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« Je ne sais pas ce qui me prend. La rage d’être là, au milieu de ces bouffons qui ne me calculent pas et qui ont des prénoms à coucher dehors. Le souvenir de Dylan avec les deux autres crétins hier soir. Mon père et sa zappette. Ma mère et sa ride sur le front. Ma tension. Tout ressort d’un seul coup. J’imite le petit mouvement de main de la Fernandez, je serre les lèvres, je lève le sourcil gauche comme elle, je me racle la gorge et j’entonne le refrain d’une voix très monocorde – c’est la seule différence avec sa propre tirade, l’échappatoire qui me permettra par la suite de prétendre que je ne l’ai pas caricaturée. »

« En moi, il y a des torrents d’émotions contradictoires. Je n’en reviens pas de m’être fait remarquer. Je m’en veux, bien sûr, parce que je l’ai échappé belle ; mais en même temps naît une sorte de fierté qu’il faut que j’apprivoise. Fier, oui. Je suis fier de moi. C’est un sentiment dangereux, la fierté. De là à se croire le maître du monde, il n’y a qu’un pas. J’ai peur aussi. De moi. Parce que je ne sais pas d’où me sont venues ces phrases. […] Je sens très nettement un nerf qui vibre dans ma poitrine. Et cette voix qui me dit que oui, peut-être, au fond, je suis bon à quelque chose. »

mardi 21 janvier 2014

De l’air ! d’Ange L. Curt : pétillant et surprenant

[Rebelles, 2013]

Même si cet hiver est particulièrement doux, on ressent parfois avec le manque de soleil l’envie d’une lecture-évasion. L’occasion s’est présentée avec l’adorable proposition de l’auteure, Ange L. Curt, de découvrir son roman « De l’air !», je n’ai pas hésité longtemps avant de l’accepter.

Résumé

Lana, âgée de 37 ans, est au bord de l’explosion. Elle aime son mari, elle a deux adorables petites filles, mais elle a besoin d’air ! Elle se sent coupable, n’ose pas en parler à ses proches et s’efforce de jouer la comédie. Mais quand, un matin de Noël, un message d’un expéditeur inconnu l’invite à tout quitter pour partir à l’aventure elle hésite…

Un roman qui fait voyager

Globalement, j’ai apprécié ma lecture qui a parfaitement rempli la mission que je lui avais assignée, à savoir me faire voyager. J’ai apprécié la plongée aux Etats-Unis, et plus encore la découverte magique d’un site Maya du Mexique. J’ai été un peu moins convaincue par la partie se déroulant en Italie, peut-être parce que j’aime trop la ville de Rome et que je la connais un peu trop ! Voici pour le voyage. Pour le reste, j’ai regardé Lana prendre peu à peu confiance en elle d’un œil bienveillant, tout en surveillant de près ses relations avec son mentor. Tout cette aventure a néanmoins un côté surréaliste, peu crédible, et plus encore certains rebondissements…

Un final surprenant

…mais tout prend sens lorsque l’on découvre les dernières pages du roman ! Ainsi, tout ce que je pu désapprouver au cours de ma lecture, tous les évènements qui m’ont fait froncer les sourcils durant ma lecture, tout cela se justifie par la manière dont le roman se termine. Je me suis beaucoup interrogée sur la fin en cours de lecture, et je n’avais pas envisagé celle-ci. Ce final est bluffant, et il fait d’un roman de chick-lit passe partout un roman qui a quelque chose en plus.

Les personnages

De manière générale, j’ai trouvé Lana assez sympathique en mère au bout du rouleau. C’est également un personnage dynamique doté d’un bon sens de l’humour. En revanche, ses oscillations perpétuelles entre égoïsme et culpabilité m’ont un peu lassée à la longue. Son mari, Hugo, que l’on découvre à l’occasion de flash-back, est on ne peut plus séduisant et adorable, peut-être trop pour être vrai. Quant à Rick, qui la guide dans son voyage, c’est la tentation faite homme, et on en croquerait bien un morceau…même si on aurait aimé en savoir davantage à son sujet !

L’écriture

Le style de l’auteure, malgré quelques petites maladresses (peu nombreuses), est plaisant. Le ton du roman est léger et l’humour très présent. C’est un roman qui se lit tout seul.

En quelques mots…

Ainsi, c’est un roman qui m’a fait voyager et, s’il m’a parfois laissée perplexe au fil de ma lecture, tout s’est éclairé à la faveur d’un final surprenant et émouvant et qui m’a fait voir les évènements passés de manière très différente. Je vous conseille donc de le lire, et surtout, d’aller jusqu’au bout même si vous n’êtes pas convaincu par les débuts. Merci à Ange L. Curt pour cette découverte!

Note : 3,5/5 (si je n’avais pas lu la fin, j’aurais mis 3)

Stellabloggeuse

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« Je suis là sans y être vraiment. Mon corps est figé dans cette grande pièce animée et mon esprit vagabonde à toute allure. Je fais bonne figure, mais je ne peux m’empêcher de penser à ces quelques lignes. Je fixe les poutres blanches au plafond, les yeux dans le vague. Je dois me reprendre, car on va remarquer mon comportement étrange. Depuis peu, je ne me reconnais plus moi-même. Je ne suis plus la femme dynamique qu’il a connue. Je subis. Et si je m’enfuyais ? Et si je suivais cet inconnu ? »

« Le froid n’est pas vraiment mon truc… Mais je serais proche du gros monsieur rouge avec cette deuxième solution. Cela me permettrait de le remercier d’avoir exaucé mon vœu :
-Bonjour, Père Noël, je suis Lana, la dame désespérée implorant sans cesse d’être téléportée sur une île déserte ! Vous vous souvenez ?
Il aura peut-être du mal à se souvenir de moi, car j’imagine ne pas être la seule mère au monde à avoir un jour demandé un tel cadeau. Je ne crois vraiment pas être un modèle rare, une pièce unique. Mais je suis certainement la seule à avoir franchi le pas et à avoir accepté ce cadeau empoisonné. Telle Blanche Neige, j’ai mordu dans la pomme. Contrairement à cette beauté froide, je rêvais qu’on me tende le fruit défendu. Et j’ai croqué…à pleines dents. Direction la Grosse Pomme, faut-il y voir un signe ? »

samedi 18 janvier 2014

Un jour j’irai chercher mon prince de skate, de Jo Witek


Jo Witek est l’un des auteurs pour adolescents apprécié de tous, elle publie d’une part des polars et d’autre part des histoires de la vie quotidienne. J’ai eu l’occasion de la découvrir ce mois-ci avec « Un jour j’irai chercher mon prince en skate », paru pour la rentrée littéraire 2013.

Résumé

Fred, âgée de quatorze ans, attend désespérément son premier baiser. Plus les mois passent et moins elle croit aux contes de fées, elle qui se définit comme une jeune fille banale et un peu ronde, avec un sale caractère et affublée d’un prénom de garçon. Un temps, elle a tenté de renoncer à cette quête des garçons, mais rien à faire, cette envie de plaire l’occupe perpétuellement. Elle cherche la meilleure voie pour parvenir à ses fins : changer et s’adoucir, ou rester elle-même ?

La quête du premier baiser

Avec humour et tendresse, l’auteure se penche sur la quête du premier baiser, qui peut devenir une véritable épreuve pour les jeunes filles qui manquent de confiance en elles. Elle s’intéresse au basculement, à la désillusion, ce moment où les adolescentes réalisent que les choses ne se passeront pas à la manière des contes de leur enfance. On voit l’importance énorme que prend le regard des autres et particulièrement celui des garçons. Il y a un petit côté féministe, avec l’idée que les jeunes filles n’ont pas forcément à se fondre dans un moule conforme au désir des garçons, pour exister et pour plaire.

L’estime de soi

Fred a une faible estime d’elle-même, elle s’observe sans complaisance et nous énumère ses défauts : elle se trouve trop grosse, trop caractérielle, trop banale, pas assez féminine. L’enjeu pour elle est de comprendre que ses différences, son goût du skateboard et son naturel en particulier, sont en fait des forces qu’elle doit cultiver, et qui font que le garçon qui s’intéressera à elle sera quelqu’un de bien. Elle doit apprendre à s’assumer telle qu’elle est pour être heureuse et attirer des personnes qui lui conviennent.

Les personnages

Fred est une jeune fille attachante. Elle est intelligente, analyse finement ce qui se passe en elle et autour d’elle. Bien sûr, comme toute adolescente qui se respecte, elle est parfois dominée par ses émotions et ses peurs, qui lui font prendre de mauvaises décisions. On se rend rapidement compte que l’on n’a pas envie qu’elle change ! Les autres personnages sont peu développés, mis à part sa marraine Diana, un personnage fantasque et insaisissable.

L’écriture 

Le style de Jo Witek est plaisant, dynamique. Elle manie la légèreté, mais fait également passer des réflexions plus profondes. Malgré un deuil qui a son importance dans l’histoire, l’humour domine. Elle se glisse aisément dans la peau d’une jeune fille et modernise les codes des contes de fées.

En quelques mots

Ainsi, c’est un petit roman plaisant sur la confiance en soi et la quête du premier baiser, avec un personnage attachant. Si j’avais un seul bémol, ce serait un côté un peu excessif par moments, un peu moins crédible (je pense à la mode des célibres au collège, ou à la scène dans la forêt pour ceux qui l’ont lu). Mais je le recommande volontiers aux jeunes filles qui attendent l’amour et ont perdu l’estime d’elles-mêmes.

Note : 3,5/5

Stellabloggeuse
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« C’est écrit dans les contes de fées. La fille attend, elle n’a que ça à faire dans la vie ! Un jour, ton prince viendra et il t’emmènera. Ne bouge pas, baby, et fais-toi jolie ! A cinq ans, ça a l’air vraiment cool comme programme. Hyper magique et enivrant d’attendre un prince dans une robe en tulle. A onze, ça fout vraiment les boules. Surtout quand on est une fille banale, qu’on est un peu ronde et qu’on s’appelle Fred. »

« C’est dingue, quand on y pense ! Mes copines me poussent à montrer mes jambes, ma jambe m’enferme dans un style de bonne sœur. Et tout cela à cause de qui ? Je vous le demande, les filles ? A cause des garçons. Du regard des garçons. Et dire qu’on appelle nos pays des démocraties ! Des espaces de vie qui respectent la liberté des femmes. Tu parles ! Jupe courte, jean troué ou voile : même combat. Celui de l’enfermement des filles dans des fringues pour plaire ou déplaire aux garçons selon les coutumes et traditions. »

mardi 14 janvier 2014

Juste une ombre, de Karine Giebel : haletant, terrifiant et émouvant

[Fleuve noir, 2012]

Voilà plusieurs mois que j’entendais régulièrement parler de Karine Giebel et de ses thrillers, que ce soit par le biais des copinautes ou de collègues très enthousiastes. Je m’étais donc promis de ne pas trop attendre pour découvrir les écrits de cette dame, et c’est maintenant chose faite avec « Juste une ombre » !

Résumé

Cloé est aux portes de son rêve. Cette publicitaire de 37 ans est sur le point d’obtenir ce pour quoi elle s’est battue toute sa vie : le siège de son patron. Elle contrôle absolument tous les pans de sa vie, elle se sent forte. Pourtant sa vie bascule lorsqu’une ombre la suit jusqu’à sa voiture, un soir. Dès lors, elle la voit partout et pourtant, personne ne la croit. Comment l’ombre s’introduirait chez elle ? Pourquoi remplirait-elle son frigo, déplacerait-elle les cadres ? Cloé est-elle paranoïaque ? Ou menacée par un dangereux psychopathe ?

Un thriller psychologique convaincant

Ce thriller est très bien mené, les pages se tournent très vite et je n’ai eu de cesse de connaître le fin mot de l’histoire. Il n’y a pas d’action particulière mais une tension psychologique qui a su me tenir en haleine, une peur latente. Tout le long on hésite, on oscille, on s’interroge sur la santé mentale de Cloé. Pour ne rien gâcher, la fin a su me surprendre, je n’avais pas deviné la véritable identité de l’ombre et n’avait pas du tout anticipé les scènes finales. J’ai été bluffée, peut-être parce que je suis novice en termes de thrillers.

Une émotion inattendue

Si je m’attendais à un thriller bien ficelé, j’ai été très surprise que ce roman parvienne également à m’émouvoir. Et ce grâce à Alexandre, le flic de l’histoire, et son histoire d’amour tragique qui a trouvé la corde sensible en moi. L’émotion tient également à l’histoire de la famille de Cloé et de sa petite sœur, Lisa. J’ai vraiment apprécié cette dimension supplémentaire qui donne une véritable âme à ce roman.

Les personnages

Je n’irai pas par quatre chemins, je n’ai pas apprécié Cloé que je qualifierai de tête à claques. C’est une femme arrogante, hautaine, égoïste, autoritaire, et je dois avouer que je me suis parfois réjouie de voir l’ombre la mettre en difficulté. Certes, on finit par déceler ses failles, mais pas assez à mon goût pour éprouver de la sympathie à son égard, sauf peut-être à la toute fin du roman. En revanche, j’ai eu un gros coup de cœur pour le personnage d’Alexandre, ce flic bordeline complètement désespéré, un grand cœur caché derrière un regard effrayant.

L’écriture 

En ce qui concerne le style, j’ai apprécié la manière de raconter de Karine Giebel. Elle alterne la troisième personne et la première (plus rarement), nous posant tantôt en observateur tantôt en confident. Elle adopte alternativement le point de vue de Cloé et celui d’Alexandre, se glissant aisément dans chaque personnalité. Les passages dédiés aux réflexions de l’ombre sont percutants et effrayants, avec leurs phrases courtes. Je suis conquise !

En quelques mots…

Ainsi, ce coup d’essai avec Karine Giebel s’est transformé en coup de cœur ! C’est un bon thriller psychologique au final inattendu (en tout cas pour une novice comme moi) mais aussi une histoire émouvante, et ce malgré un personnage principal antipathique. Je vous le recommande volontiers et je découvrirai sûrement d’autres titre de l’auteure, j’ai d’ailleurs « Terminus Elicius » et « Purgatoire des innocents » dans ma PAL.

Note : 5/5 (Coup de cœur)

Stellabloggeuse
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« Un jour, tu te retournes et tu vois une ombre derrière toi. À partir de ce jour-là, elle te poursuit. Sans relâche. Juste une ombre. Sans visage, sans nom, sans mobile déclaré. On te suit dans la rue, on ouvre ton courrier, on ferme tes fenêtres. On t'observe jusque dans les moments les plus intimes. Les flics te conseillent d'aller consulter un psychiatre. Tes amis s'écartent de toi. Personne ne te comprend, personne ne peut t'aider. Tu es seule. Et l'ombre est toujours là. Dans ta vie, dans ton dos. Ou seulement dans ta tête ? Le temps que tu comprennes, il sera peut-être trop tard... »

"Je ne cesse de penser à toi
C'est plus fort que moi, plus fort que tout
Je t'ai choisie parmi cette foule d'anonymes
Choisie pour être ma muse, ma source d'inspiration
[...] Je te métamorphoserai, te sculpterai à mon goût
T'écorcherai, te mettrai à vif. A nu
Je te détruirai lentement, jour après jour, morceau après morceau
Je te déconstruirai, pièce par pièce
Tu seras ma plus belle œuvre d'art, ma plus belle réussite
Mon plus beau carnage
Mon chef-d’œuvre, je te le promets."

samedi 11 janvier 2014

Mon plus grand combat, de Flo Jallier : percutant et sensible

[Sarbacane, 2014]

Souvenez-vous, en fin d'année 2011, j’avais eu un énorme coup de cœur pour « Les déchaînés » de Flo Jallier, un roman qui est toujours très cher à mon cœur et auquel je pense souvent. Aussi, j’ai été ravie que l’auteure sorte un nouveau roman en ce début 2014 (il est en librairie depuis le 8 janvier) et j’en ai fait ma première lecture de l’année.

Résumé

Tara ne jure que par ses poings. Cette jeune femme dure est une boxeuse professionnelle, il faut dire qu’elle ne sait pas comment affronter la vie, si ce n’est en se battant perpétuellement et en appliquant la loi de la jungle. Cette dureté s’applique également à sa famille et à ses rares amis, avec lesquels elle maintient une certaine distance. Mais peut-elle réellement continuer ainsi ? Peut-on vivre sans amour et sans douceur ?

Une première partie dédiée à la boxe

La première partie du roman tourne autour de la boxe. Tara prépare un combat important contre une adversaire plus imposante qu’elle. Elle s’entraîne donc énormément, avec beaucoup de discipline et le lecteur est plongé dans le monde de la boxe. C’est très bien restitué, Flo Jallier semble s’être bien documentée, peut-être même a-t-elle observé des boxeurs, tant cela semble juste. L’analogie des boxeurs avec des fauves ou des serpents est assez bien trouvée. Néanmoins, je dois dire qu’au titre de mes goûts personnels, ce n’est pas une partie que j’ai vraiment apprécié.

Une seconde partie philosophe

La seconde partie du roman m’a davantage plu. La carapace de Tara se fissure lorsqu’elle comprend enfin qu’elle est son plus grand ennemi. Que son monde, tournant autour de la boxe et de l’argent qu’il lui rapporte, ne la rend pas heureuse. Elle cherche à se connaître davantage et à identifier ce qui peut lui apporter le bonheur. Cela ne va pas sans difficulté, bien sûr. J’ai apprécié cette quête d’elle-même, bien que j’aie trouvé le revirement un peu rapide.

Les personnages

De prime abord, Tara est un personnage peu agréable. On la découvre tout d’abord arrogante et pleine de violence, totalement ignorante des gens qui l’entourent. Puis, l’auteure nous montre peu à peu ses failles et ses doutes, on la découvre plus fragile et peu sûre d’elle. Sa violence est finalement la seule solution qu’elle ait trouvée pour faire face à un monde qui lui fait peur. J’ai suivi son évolution avec plaisir, même si elle est un peu rapide. L’histoire tournant autour de sa psychologie, les autres personnages sont peu développés. J’aurais aimé en savoir davantage sur Frank, un homme très zen, et la famille de Tara marquée par la personnalité d’un père italien qui rêvait d’avoir un fils.

L’écriture 

Le style de Flo Jallier est toujours très agréable à lire. Ici, elle a su s’approprier le vocabulaire et l’univers de la boxe. Elle joue également avec des analogies animalières. Elle a des mots qui sonnent juste, à mon sens. Mon seul regret ici, c’est que je n’ai pas ressenti l’émotion des « Déchaînés », les réflexions de Tara ne m’ont pas prise aux tripes.

En quelques mots…

Ainsi, c’est un bon roman, avec des réflexions intéressantes sur la violence de la société et de la connaissance de soi. Le roman est porté par un personnage plein de paradoxes qui connaît une belle évolution, bien qu’elle soit un peu rapide. En revanche, ce n’est pas un roman qui, pour ma part, suscite des émotions fortes.
Un grand merci à Claire et aux éditions Sarbacane pour cette lecture !

Note : 3,5/5
Stellabloggeuse

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Ce roman fait partie des challenges :



Challenge ABC 2014 : 1/13



Challenge New PAL 2014 : 1/20

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« Il n’y a pas qu’une seule façon de venir au monde. Moi, je suis née deux fois. La première, en petit enfant malade, victime d’un asthme violent découvert à la naissance, qui m’a valu un avis médical interdisant toute activité sportive, et même toute sortie prolongée. Et la suivante, lorsque mon poing a percuté le front de Jacky, mon futur entraîneur, sept ans plus tard. »

« Toi, Tara, de quoi as-tu vraiment envie ? De te battre toute ta vie ? De quoi au juste ? Là, franchement, je ne sais pas. Un quart de siècle à ne croire qu’au pouvoir du fric, à la réussite par le combat, à ma personnalité métallique, à l’individualisme…tout ça pour me rendre compte que je suis sensible. Comme tout un chacun. »